La gendarmerie du Morbihan pendant l'occupation

Mis à jour le 24/01/2013

Alors que la Garde républicaine mobile est dissoute, l'armée allemande d'occupation consent à maintenir en fonction les unités de la gendarmerie départementale. Les gendarmes conservent ainsi leur organisation, leurs casernements, leur armement individuel et leurs moyens de liaison. C'est donc une force militaire et policière structurée, bien équipée et très imbriquée à la population. Connaissant tout le territoire en zone urbanisée comme en zone rurale, les gendarmes sont rompus à l'acquisition du renseignement.

Bénéficiant presque d'une entière liberté de mouvement, ils sont en mesure d'observer à loisir le dispositif ennemi et ses installations de défense, puis d'en rendre compte. Grâce à leurs moyens de communication (téléphone), ils prennent des contacts, transmettent des renseignements et alertent les personnes en danger. Dans leurs casernements, ils cachent des armes, des personnes recherchées et accueillent des résistants pour des réunions d'état-major ou des séances d'instruction militaire. Au regard de leur formation militaire, ils sont à même d'instruire puis d'encadrer les maquisards et les mener aux combats de la Libération.

Durant la première année de l'occupation, de nombreux gendarmes du Morbihan utilisent ces possibilités pour résister aux entreprises de l'ennemi.

Les débuts de la résistance dans le Morbihan

À ce moment, la résistance n'est pas encore organisée et les actions conduites relèvent plutôt de l'initiative individuelle. Elles sont essentiellement orientées vers la protection des personnes :

  • éliminer, dans les archives des unités, les informations pouvant être utilisées par l'ennemi,
  • alerter et assister les personnes recherchées par l'ennemi.

D'autres actions visent à préparer les hommes à la résistance active :

  • récupérer les armes abandonnées pendant la débâcle,
  • constituer des dépôts clandestins,
  • rechercher des appuis parmi la population pour mettre sur pied les réseaux.

La naissance d'un réseau propre au Morbihan

Le 20 juin 1941, le chef d'escadron Maurice GUILLAUDOT prend le commandement de la compagnie du Morbihan. Déterminé à lutter contre l'ennemi, il communique rapidement à ses subordonnés son enthousiasme à participer à la libération du sol national.

Ses premières instructions données aux gendarmes sont de :

  • détruire, dans toutes les brigades, les documents compromettants pour certaines personnes,
  • protéger la population, même à son insu,
  • rechercher en permanence les renseignements sur l'implantation militaire ennemie dans le département,
  • préparer à la reprise du combat le moment venu.

En 1942, le commandant GUILLAUDOT, alias « Yodi », se trouve à la tête d'un réseau remarquablement organisé, le réseau « Action », dont les membres sont extrêmement bien placés et formés pour agir avec efficacité : beaucoup de gendarmes étant titulaires du brevet de chef de section.

La mission « Cockle ».

Dans la nuit du 21 au 22 décembre 1942, un avion britannique parachute, au-dessus de l'étang au Duc à Ploërmel, deux agents de la France Libre : Guy LENFANT, alias « Lebreton », et André RAPIN, radiotélégraphiste. La mission « Cockle » ("coquillage") est lancée : elle consiste à organiser la réception de parachutages d'armes en vue d'équiper les futurs maquisards. Un réseau se développe autour de quatre personnages :

  • Honoré CHAMAILLARD, alias « Galimard », de Ploërmel,
  • Julien LE PORT, alias « le coureur », de Melrand,
  • le lieutenant Théophile GUILLO, alias « Chuais », commandant la section de gendarmerie de Ploërmel,
  • Henri CALINDRE, alias « Mistringue », secrétaire de la mairie de Ploërmel.

Des terrains de parachutage sont repérés et signalés à Londres. De nombreux parachutages d'armes ont lieu durant le premier semestre de l'année 1943, dans les régions de Ploërmel et Pontivy. Ces armes équipent bientôt le réseau « Action » et l'Armée secrète du Morbihan.

Début 1943, la recherche du renseignement militaire s'intensifie et, en juin, « Yodi » adresse à Londres le fameux « panier de cerises », resté célèbre dans les annales des services de renseignement français.

Fin 1943, « Action » dispose d'un effectif de 3.000 hommes encadrés et armés, répartis en quatre bataillons prêts à l'action militaire.

Le réseau « Action »

Le lieutenant GUILLO fait entrer son chef, le commandant GUILLAUDOT, dans le réseau « Cockle ». Ce réseau s'enrichit alors d'une organisation militaire qui s'étoffe de cadres et d'instructeurs. La quasi-unanimité des gendarmes entre progressivement dans la Résistance.

En juillet 1943, Valentin ABEILLE, alias « Fantassin », délégué militaire régional de la France Libre, entreprend d'unifier les formations combattantes de la Résistance. Avec le commandant GUILLAUDOT, il crée le réseau « Action », dont la gendarmerie constitue l'ossature. « Action » est le réseau morbihannais du mouvement « France combattante ». « Yodi » en est le chef départemental et prend le capitaine de frégate de réserve Paul CHENAILLER, comme directeur adjoint du service du ravitaillement à Vannes.

Courant 1943, le réseau « Action » est rallié par d'autres réseaux et intensifie son recrutement. Des sections puis des compagnies se créent dans tout le département. Au fur et à mesure, des armes et des explosifs leur sont distribués. Simultanément, l'instruction militaire sur les armes nouvelles et les explosifs est dispensée par des instructeurs envoyés par la France Libre. Lorsque le commandant GUILLAUDOT est arrêté par la Gestapo, le 10 décembre 1943, son adjoint Paul CHENAILLER lui succède à la tête du réseau. Il prend le pseudonyme de « colonel Morice » en l'honneur de son chef.

L'armée secrète du Morbihan

Le 15 décembre 1943, le général AUDIBERT, délégué militaire de la France Libre pour la Bretagne et les Pays-de-la-Loire, décide la fusion des unités combattantes de la Résistance dans le Morbihan. Il désigne « Morice », à la tête du mouvement le plus important et le mieux organisé, comme chef de l'ASM.

En janvier 1944, Paul CHENAILLER forme son état-major et crée un corps-franc, spécialisé dans le sabotage et les coups-de-main, dans chaque compagnie de l'ASM. Parallèlement, il poursuit son action pour unifier la résistance armée.

En février 1944, un accord de fusion est passé entre l'Armée secrète et les Francs tireurs partisans (FTP). De cette accord, naissent le 10 avril 1944 les Forces françaises de l'intérieur (FFI) dans le Morbihan. Le « colonel Morice » est confirmé en qualité de commandant départemental des FFI et étend son autorité à la région de Redon (Ille-et-Vilaine).

Les Forces françaises libres (FFI)

En décembre 1943 et en mars 1944, des séries d'arrestations visent les FFI. Le général AUDIBERT, le capitaine GUILLO, chef de l'état-major de « Morice », et plusieurs autres responsables sont arrêtés par la Gestapo. L'organisation, bien structurée, se relève rapidement de ces coups sévères. Les cadres militaires les plus importants prennent aussitôt le maquis.

Dès mai 1944, les FFI se préparent à l'action armée en réalisant des missions de sabotage des voies de communication. À la fin du mois, le « colonel Morice » reçoit l'ordre d'armer les unités combattantes des FFI ainsi que les plans d'action à mettre en oeuvre lors du débarquement. L'heure du combat final sonne pour les FFI du Morbihan, fortes de 12.000 hommes articulés en douze bataillons.

Le 5 juin 1944, « Morice » ordonne la mobilisation des FFI. Celles-ci se rassemblent dans des centres de mobilisation, où elles se constituent en unités et reçoivent armes automatiques, équipements parachutés et renforts des parachutistes du SAS (Special Air Service, unité spéciale des forces armées britanniques, constituée en 1941 avec des volontaires britanniques pour mener des raids derrière les lignes allemandes).

De nombreux gendarmes participent aux combats : 250 militaires ont pu rejoindre les maquis. Ils y combattent non plus en unité constituée mais répartis dans les divers bataillons avec des fonctions d'encadrement ; certains exercent des commandements importants (commandant de compagnie, chef de section).

Dès le 6 juin, jour du Débarquement, les corps francs des FFI passent à l'action pour l'application du « plan vert » (destruction des voies ferrées) et du « plan violet » (coupure des lignes téléphoniques). Les sabotages paralysent sérieusement l'ennemi et ralentissent le transport de ses forces sur le front de Normandie. Le premier grand combat de la libération de la Bretagne se déroule à Saint-Marcel, près de Malestroit, où les parachutistes allemands se heurtent à quatre bataillons FFI et un bataillon SAS des Forces françaises libres (FFL). Surpris, les Allemands subissent de lourdes pertes. De nombreux autres combats ont lieu jusqu'à la libération complète du département le 10 mai 1945 avec la reddition de la poche de Lorient. Les unités FFI y jouent un rôle décisif.